« Devrais-je dire à ma fille de 8 ans qui est en fin de vie que je ne crois pas paradis ? »
Comment faire ?
Ce qui fait tout l’intérêt d’animer cette rubrique, c’est la variété des questions posées, des problèmes partagés par nos correspondants. Que répondre ? Parfois, c’est tellement complexe…
Une lectrice romande nous interpelle ainsi : ma nièce de 8 ans est en fin de vie dans l’hôpital d’une grande ville française où habitent ses parents. Ma sœur m’a demandé de vous envoyer le mail suivant : « Comment être vraie avec ma fille ? Elle reçoit beaucoup de visites et comme elle sait qu’elle ne va pas guérir, elle parle volontiers avec ceux qui viennent la voir, du ciel, du paradis, du fait qu’on se retrouvera tous ensemble dans ce paradis. Elle n’a pas vraiment mal, elle est bien soignée, moi j’essaie de la distraire, de passer le plus de temps possible avec elle.
Souvent, elle me demande de lui confirmer que nous nous retrouverons au ciel. Moi, je suis très mal à l’aise, je suis non croyante, je pense que la mort est la fin de tout, que le ciel et le paradis sont des fantaisies que se créent les humains pour avoir moins peur d’affronter la mort. Je ne crois pas en Dieu non plus.
Je pense que ce sont mes beaux-parents qui gardaient ma fille deux à trois jours par semaine qui lui ont mis ces idées dans la tête et aussi d’autres enfants du service où elle se trouve qui partagent cette croyance. Pour moi, il s’agit de vérité et de cohérence, je n’ai jamais menti à ma fille et je ne voudrais pas commencer maintenant. Que pourriez-vous me conseiller ? »
La situation décrite ci-dessus est très complexe. Il y a le vécu de cette petite fille de 8 ans qui est consciente de son état et qui doit affronter la mort et la séparation de ceux qu’elle aime en trouvant du réconfort là où elle peut. Il y a aussi cette maman qui vit le deuil anticipé de son enfant avec tout ce que cela peut signifier et qui désire rester vraie, cohérente envers sa fille à qui elle n’a jamais menti. Il faudrait connaître mieux la situation pour pouvoir donner des éléments de réponse le plus précis possible. Cependant, sur la base de ce que nous comprenons, ce qui semble essentiel, c’est que la maman dise « sa vérité ». Un enfant détecte très facilement les incohérences, les manques d’authenticité. Cela ne sert à rien de répondre : « mais oui chérie, on se retrouvera au ciel » si l’on n’en croit pas un mot.
Être vrai, ça n’a pas d’abord à voir avec des croyances : « la vérité c’est que cette petite fille va mourir, qu’elle sera soulagée de ses douleurs, qu’elle ne sera pas laissée seule, (sauf par moment, si elle le désire), et que sa mère (ses parents ?) sera disponible pour elle ; que ceux qu’elle aime, ses grands-parents, par exemple, viendront la voir autant que possible. Où elle ira après la mort est moins important qu’où elle est maintenant avec sa maman. Si les questions de la fillette persistent, il est important de faire part de son ignorance : « -Tu vois ma chérie, je ne sais pas où on va quand on est mort, mais je peux te dire une chose sûre, tu resteras dans mon cœur et je continuerai à t’aimer pour toujours, parce que cet amour est trop fort pour être arrêté par la mort ».
Si elle insiste et parle des croyances de ses grands-parents, il est bon de confirmer que chaque adulte comprend les choses à sa façon et qu’il s’agit de quelque chose de mystérieux. Une écoute respectueuse, chaleureuse sans discussion sur le continu est probablement le meilleur chemin.
La psychanalyste Catherine Mathelin Vanier écrit à propos des questions ci-dessus :
« Les réponses à l’enfant devraient toujours être en accord avec ce que l’on pense. Quand on ne croit pas, on peut dire : « certaines personnes croient qu’il y a un Dieu qui aurait créé le monde et pensent aussi que, quand on meurt, on va au ciel. Personnellement, je n’en suis pas convaincue. Il y a un grand mystère concernant Dieu… Mais libre à toi de décider ». Il y a deux messages fondamentaux à faire passer à l’enfant. Le premier : « les parents n’ont pas réponse à tout », ainsi ils sortent de leur toute puissance effrayante. Le second : « je suis là, je t’écoute et nous pouvons parler ensemble. Je m’occupe de toi. » Au final, c’est ce qui rassure l’enfant ».
Le pédagogue Garel Yvon écrit à propos de la mort et des enfants en ces termes : « Écouter, c’est sans doute le plus difficile. Nous voulons souvent esquiver les questions, mais aussi les silences alors qu’il nous faut apprendre à écouter ce que disent ces silences. Respecter le chagrin, le silence, et en même temps, apprendre à écouter inlassablement. Pour mieux saisir ce que la mort signifie pour lui, il faut écouter ce que l’enfant nous dit, ce qu’il fait […] » Il conclut : « il ne s’agit pas de donner la bonne parole, mais de nous interroger honnêtement avec l’enfant en partageant une espérance ».
Françoise Dolto, psychanalyste connue écrivait : « un enfant à qui l’on parle en vérité de la mort découvre la vie ».
Au-delà de tout ce qui touche aux réponses à donner à l’enfant, il y a aussi une maman (et peut-être un papa, ce que le mail ne précise pas !) qui ont à vivre une des plus grandes épreuves qui soit, la perte d’un enfant. C’est important que cette personne puisse aussi parler, se confier, prendre soin d’elle, et être soutenue dans ce cheminement. Plus les parents, grands-parents, accompagnants de l’enfant sont paisibles, calmes, plus ils sont utiles auprès de l’enfant en fin de vie. C’est pourquoi, il leur est recommandé de se donner un peu de temps pour eux-mêmes, comme par exemple sortir de l’hôpital, marcher 15 minutes dans un parc en y admirant la végétation ou le soleil qui se couche. Ce n’est pas du temps volé à celui ou celle qui va mourir, mais bien une manière de recharger ses batteries pour avoir plus à partager.
A vous, chère correspondante et à votre sœur, nous souhaitons courage et paix et à chacun de vous, amis lecteurs, une très belle semaine.
– Rosette Poletti
Si vous aussi, vous avez une question ou un témoignage concernant votre deuil, écrivez-nous !
Pour aller plus loin :
Charbonnier Jean-Jacques, La mort expliquée aux enfants, Editions Guy Tredaniel
Dr Olivier Chambon, Oser parler de la mort aux enfants, Editions Guy Tredaniel
Dr Catherine Dolto, Si on parlait de la mort, Editions Gallimard