Le deuil à l’adolescence pose une série de difficultés particulières liées au fait que tout deuil entraîne un état de déséquilibre, de crise et qu’à cet état se surajoutent les remaniements induits parla crise d’adolescence.
S’ils donnent souvent l’impression qu’ils ne souffrent pas car beaucoup, dans leur milieu familial notamment, ils vont s’interdire de manifester leur chagrin par peur d’un retour en arrière à un état infantile à un moment où il leur faut conquérir leur autonomie en prenant de la distance vis-à-vis de leur entourage. Les perturbations induites par la perte vont retentir souvent profondément dans cette phase de quête d’identité à la recherche de nouveaux repères, qui s’accompagne d’une réelle fragilité.
Ce chagrin sera rarement exprimé verbalement mais, comme souvent chez l’adolescent, trouvera une expression symptomatique qu’il ne sera pas toujours évident à distinguer d’une crise d’adolescence. Beaucoup d’adolescents endeuillés viennent consulter pour des difficultés scolaires, des conduites d’échec répétées, des prises de risque inconsidérées, de conduites suicidaires.
Il s’agira, pour les aider, d’aller au-delà du symptôme qui est l’expression d’une souffrance cachée, pour ouvrir une possibilité de parler de cette souffrance du deuil. Il suffit souvent d’ouvrir cette porte par une question toute simple «Veux-tu que nous parlions de la mort de ton père ?» pour qu’une parole trop longtemps contenue surgisse alors, que les émotions se libèrent.
Pour ma part, afin d’aider à la reconnaissance des sentiments complexes rattachés à la perte d’un être cher, j’utilise régulièrement le mandala des sentiments mis au point par Barbara SOURKES, une psychologue canadienne où les sentiments sont nommés et représentés par une couleur. J’invite les adolescents, à partir d’une question précise en lien avec leurs deuils à colorier le cercle en fonction de leurs ressentis. Ils peuvent ainsi mettre des mots -enfin- sur ce qui s’agitait douloureusement au fond d’eux-mêmes depuis parfois si longtemps et ainsi « s’autoriser » des sentiments de tristesse, de colère, de culpabilité, de honte, de peur, de soulagement. Des sentiments qu’ils s’interdisaient souvent de ressentir.
On peut imaginer aussi que la constitution de groupes d’aide rassemblant des adolescents endeuillés serait un précieux complément à une aide individuelle. Plusieurs expériences de ce type ont déjà vu le jour en France, mais elles restent aujourd’hui trop rares encore, car considérées comme des expériences particulièrement exigeantes.
Extrait de l’intervention de Guy CORDIER (Pédopsychiatre) lors de la conférence de la FEVSD « Les jeunes en deuil ».
Pour aller plus loin, vous pouvez également télécharger le dossier « L’enfant endeuillé » édité par Vivre son deuil Nord-Pas de Calais.